Il y a quelques semaines, je me suis planquée à Puerto Viejo de Talamanca, région sur la côte caribéenne du Costa Rica, avec une intention « mange-prie-aime », et disons, que c’était pratiquement réussi.
Partons du dernier tiers de mon intention.
Aime. Cela a vraiment été bien de consolider et de clamer mon amour pour mon mec — parfois gauchement (je suis loin d’être une romantique habile) — dans un espace libre de distractions et d’occupations quotidiennes.
Prier. Oh, que je me suis recentrée. La méditation était au rendez-vous chaque jour dans les petites heures du matin sur une terrasse en bois invitante devant une vue de beauté sauvage à couper le souffle : la jungle au premier plan. Juste après mes séances, je me nourrissais de lectures inspirantes, tout en me berçant dans mon hamac. Là, je m’y suis grassement détendue.
Il y a quelques semaines, je me suis planquée à Puerto Viejo de Talamanca, région sur la côte caribéenne du Costa Rica, avec une intention « mange-prie-aime », et disons, que c’était pratiquement réussi.
Partons du dernier tiers de mon intention.
Aime. Cela a vraiment été bien de consolider et de clamer mon amour pour mon mec — parfois gauchement (je suis loin d’être une romantique habile) — dans un espace libre de distractions et d’occupations quotidiennes.
Prier. Oh, que je me suis recentrée. La méditation était au rendez-vous chaque jour dans les petites heures du matin sur une terrasse en bois invitante devant une vue de beauté sauvage à couper le souffle : la jungle au premier plan. Juste après mes séances, je me nourrissais de lectures inspirantes, tout en me berçant dans mon hamac. Là, je m’y suis grassement détendue.
Comme ce petit.
Manger. J’étais un peu réticente à manger dans les restos et voulais plutôt cuisiner à la maison, mais qui peut blâmer une fille de vouloir s’adonner au farniente ? D’autant plus qu’il y a plein d’endroits où butiner. Par contre, si tu cherches à avoir une expérience bigrement gastronomique, ce n’est pas vraiment l’endroit. Je veux dire, peut-être que je me trompe, mais rares sont les fois où les plats étaient à s’en pâmer.
Certes, on y trouve une panoplie de restaurants où tu peux goûter à la cuisine locale, tout en écoutant de la musique Reggae ou Calypso ou celle des vagues fougueuses des plages déferlant sur la rive. Curieusement (ou pas), contrairement à mes attentes, peu sont tenus par les locaux, à savoir les indigènes Bribrí, les Rastas de descendance jamaïcaine ou même, les descendants des colons espagnols. Par exemple au centre du village, les propriétaires sont plutôt des étrangers européens (beaucoup d’Italiens, étonnamment). À la défense de Puerto Viejo, je n’ai pas ratissé tout le village au peigne fin. En tout cas pour les végétariens ou les végétaliens de ce monde, Puerto Viejo est l’endroit rêvé pour s’enivrer de fraîcheur : ananas juteux, mangues fondantes, guanabanas (corossol) soyeux, mamones (sorte de lichee) douillets, maracuyas (fruit de la passion) veloutés, carambolas éclatants...
J’ai été également servie avec, il va sans dire, des plats typiquement caribéens d’origine végétale.
Bien entendu, les spécialités locales rayonnent.
Il y a de la cuisine internationale aussi, mais rue-toi surtout le riz aux haricots au lait de coco. Ensuite, ajoute les bananes plantains frites et écrasées (patacones) comme accompagnement, étanche ta soif avec des bastidos (smoothies de fruits), et bien sûr, gâte-toi avec du chocolat !
C’est ce que j’ai fait dès le premier jour de notre arrivée en soirée dans un soda (petit restaurant familial) dont je n’ai pas noté le nom et le lendemain à l’heure du midi au Salsa Brava, attablée devant une plage bordée de palmiers. Là, j’y avais aussi ajouté des lamelles d’aubergines et de courgettes parfumées à l’ail et trempées dans de l’huile d’olive, dignes de gémissements et à en perdre connaissance, merci (c’étaient les meilleures que j’ai avalées de tout mon voyage).
Mais en soirée, pas de riz aux haricots. J’ai changé la donne.
Car j’avais prévu de célébrer l’anniversaire M. L’Homme dans un endroit spécial avec un menu différent. En tout cas, c’était une soirée plein de virevoltes, j’te dis pas.
Avertissement ! J’interromps ce billet pour te dire que c’est le moment d’aller te chercher une tasse de thé glacé ou autre ou, s’il y a lieu, d’aller t’occuper de quelque chose de prioritaire avant, car je vais ouvrir les vannes de la loquacité. En plus, au cas où tu n’aurais pas remarqué, le titre principal porte le sous-titre « 1re partie ».
Bon. Le jour de l’anniversaire de Monsieur, j’avais choisi un restaurant fortement recommandé par notre guide de voyage Lonely Planet 2019 pour ses fruits de mer : le Laszlo’s. Ça devait être la cerise sur le Sundae, selon les attentes optimistes de Monsieur (sans pression !), après que je lui ai offert la veille de notre départ : 1) un guide pour connaître et déguster le vin qui lui évitera d’avoir l’air ignare devant le sommelier (je m’inclus dans cette ignorance) ; 2) des billets pour assister à une soirée d’un groupe cubain rendant hommage à Buena Vista Social Club à la fin du mois de septembre.
Après avoir garé notre 4x4 loué, ridiculement peu glouton, nous nous sommes rendu à destination pour nous retrouver devant un espace rasé. À quelques mètres de là, une pancarte affichant la carte du village nous a confirmé que le lieu s’était effectivement vaporisé, en dépit des récents avis sur Trip Advisor à propos du restaurant et, qui plus est, datés de quelques mois plus tôt.
Décidément, le resto avait dû disparaître depuis peu. J’ai repris le guide et ai proposé mon deuxième choix du même genre, qui n’apparaissait pas non plus sur la carte du village. D’accord, oublions les fruits de mer, pensais-je.
Désormais, nous étions en quête frénétique d’un endroit opportun.
Assis confortablement dans la voiture, nous avons passé cinq à dix minutes à consulter la toile, à examiner les avis et à vérifier l’existence des restos.
« Pourquoi ne pas aller au restaurant Nena ? Celui qu’on passé en voiture non loin de l’appart’ ? Ça a l’air bien, non ? a soudainement proposé Monsieur, le visage éclairé par la lueur bleutée de son portable.
— La cuisine ferme à 20 h 30, et on a dépassé l’heure de six minutes.
— Essayons d’y aller quand même, on ne sait jamais. »
C’est foutu, me disais-je dans mon for intérieur. Nous avons conduit jusqu’au resto. Tandis que nous garions devant, un serveur s’est avancé vers nous avec un air de désolation. Je sentais la mauvaise nouvelle.
« Est-ce que la cuisine est fermée ? s’est enquis M. L’Homme en espagnol.
— Oui, je regrette. »
Là, c’est vraiment foutu, pensais-je, désemparée. Voilà qu’une soirée simple s’était transformée en soirée compliquée, en une chasse aux restos, quoi. Nous avons recommencé à fureter le Web et cette fois-ci, la toile nous proposait le resto Lidia’s Place. Ce dernier offrait une cuisine caribéenne. Je n’étais pas complètement emballée par le type de cuisine se répétant comme un refrain — mais que veux-tu, nous étions tout de même sur la côte caribéenne. Sa note de 4,5 et ses plus de 640 avis positifs nous paraissaient bien tentants.
Certes ! Mais le resto fermait dans une dizaine de minutes.
Nous avons appelé l’endroit et, notre arrivée in extremis ne poserait aucun problème. Afin de ne pas perdre une seule seconde, nous avons fait appel à l’application Waze, qui nous a guidés hors de la route principale.
« Ah ! J’ai lu qu’on trouve les meilleurs restos dans les quartiers », s’est exclamé Monsieur.
En effet, les merveilles se cachent souvent hors des sentiers battus.
Nous percions tranquillement la noirceur humide de la nuit quand nous avons aperçu un écriteau jaune dont les lettres rouges et grasses semblaient enflammées. Il y figurait, à gauche, un cercle dans lequel apparaissait le dessin d’un visage d’une mama afro-caribéenne avec un foulard sur la tête. Malgré ma myopie, j’aurais pu voir le rayonnement de son sourire chaleureux à des kilomètres. Sous l’écriteau on lisait « Carribean food since 1996 ». Ah, un resto établi depuis plus de 20 ans, ça augurait bien.
Nous avons pénétré un espace rustique à aire ouverte et nous nous sommes assis parmi les derniers clients. Un homme à la tête rasée, vêtu d’un tee-shirt blanc orné au col d’un tissu triangulaire jaune avec des motifs africains, nous a accueillis, les menus à la main. Il nous a demandé si c’étaient nous qui avions appelé plus tôt.
Nous avons commencé par sélectionner nos verres de vin (un blanc pour Monsieur et un rouge pour moi) et, pour les plats, Monsieur a opté pour une langouste encore bien fringante, qui verrait bientôt sa vie abrégée par la cuisson (puisse-t-elle reposer en paix). Elle serait accompagnée de riz aux haricots au lait de coco et d’une petite salade verte. Moi, m’étant déjà rempli le ventre du même type de riz plus tôt, j’ai arrêté mon choix sur une humble salade verte tomates cerises, tranches de mangue et lamelles de pommes translucides. Comme accompagnement, j’avais des patacones.
Nos plats contrastés sont arrivés : l’un bien copieux, l’autre tout léger. Tandis que Monsieur dégustait son repas, les vapeurs à l’ail émanant de la langouste m’ont caressé les narines et m’ont envoûtée à brûle-pourpoint. Mystérieusement, j’ai piqué ma fourchette de tout à trac à l’intérieur de la bête scindée en deux, j’ai prélevé un morceau de la chair couleur sable...
… et je l’ai scandaleusement enfourné dans ma bouche.
Elle était impeccablement cuite et fragrante, d’une tendresse fondante avec un goût d’ail pénétrant et d’une fraîcheur caustique. Di-vin. J’ai gémi. (Désolée, pas de photo.)
Je crois que pendant une seconde, j’étais prête à balancer mon régime pour dévorer ce truc, comme une religieuse désaxée qui relève sa robe noire par-dessus la tête, ses sous-vêtements dévoilés, et qui court à corps perdu dans la foule. J’étais prête à exceptionnellement lever mes restrictions alimentaires suivies depuis plus de 15 ans pendant mon séjour. J’étais tout de même dans un paradis de fraîcheur, pensais-je.
Mais après cette transgression gastronomique et ce bonheur fugace, je me suis donné une gifle mentale et je suis revenue à mes sens. « Le pardon est un miracle bienfaiteur pour le coeur désireux de paix, d'harmonie et de liberté », a dit un internaute. Je suis allée me repentir devant son analogue dans l’aquarium. Il a aussi eu ma gratitude et ma bénédiction.
Nous avons terminé notre repas avec une tranche de gâteau au chocolat allègre pour couronner le tout.
Tandis que nous nettoyions nos assiettes à la cuillère, nous avons vu une silhouette aux formes pleines sortir d’un couloir sombre et étroit. La lumière ambrée du plafond dévoilait graduellement le visage d’une femme noire qui portait un foulard sur la tête.
« Ah, la dueña del restaurante ! » a dit M. L’Homme, enthousiaste.
Oui, c’était bien elle. Et comme le destin l’eût voulu, elle s’est approchée de nous tout naturellement et doucement, de la même façon que ferait un objet aimanté sous l’emprise d’une force magnétique.
Nous étions à la veille d’avoir une rencontre opportune.
(À suivre…)
Laisser un commentaire