Pendant presque un an, j’étais plongée dans une sorte de grotte, une caverne souterraine. Dans cette vie d’ermite, je n’ai pas du tout agi comme une bonne femme des cavernes pendant que mon homme partait à la chasse. Je n’ai préparé aucune nourriture gourmande. Aucune nourriture pour l’âme. Rien. Nada. Niet. De la folie, en effet.
Les minutes, les jours, les mois ont disparu sous mon nez et avant que je ne m’en aperçoive, après de longs mois froids et ardus, le soleil brillait généreusement dans le ciel, la chaleur s’exhibait enfin et mon anniversaire de naissance s’en venait sournoisement, sur la pointe des pieds, derrière mon dos.
Et donc pour éterniser cette prise, j’ai organisé une soirée entre amies, une soirée qui me permettrait de sortir de mon trou, d’afficher cette petite bête sur la place publique, et de, franchement, remplir une page de mon calendrier social qui bâillait depuis déjà bien trop longtemps.
Un repas-partage était donc prescrit.
Et ma table à manger était magnifiquement garnie.
Il y avait un festin de plats omnivores et véganes, dont mes petits poivrons rôtis et mes « croquettes » au chou-fleur accompagnés d’un « yogourt » au citron vert et plus encore. Pourquoi ces guillemets, tu demandes ? Tu verras plus tard que ces deux-là auront des allures délicieusement trompeuses, elles seront de faux-semblants.
La soirée a débuté tranquillement avec l’arrivée de Manue, rayonnante, avec une bouteille de rosé, Le Pive Gris, et un sac en papier brun contenant des tiropitas dans les bras (un friand grec au fromage ; les miens étaient véganes). Au départ, seuls les poivrons rouges et jaunes — rôtis une heure plus tôt au four lentement dans de l’huile de tournesol, puis arrosés de vinaigre de vin rouge — et un bol de croustilles reposaient sur la table.
Et ils leur tardaient de s’entourer d’autres compagnons savoureux.
J’ai hâtivement ouvert le sac partiellement nimbé d’auréoles graisseuses et ai glissé les tiropitas au four sur une plaque de cuisson pour les réchauffer. Nous nous sommes versé rapidement un verre de vin et nous l’avons siroté sur mon balcon arrière, long et étroit et enjolivé d’un gardénia en pot distillant un parfum suave, de pétunias rouges et blancs à peine odorants et de mon bougainvillier aux pétales rose écarlate — assurément le point focal. Ce dernier était hautement perché et avait été acheté le jour même pour l’occasion (je les adore, merci M. L’Homme !) Après quelques semaines — non, plutôt après un an ou deux — de travail sur la déco de mon balcon, j’étais fière d’avoir enfin créé quelque chose d’idyllique.
Les autres convives ont suivi. Ma voisine Valentina, grande et svelte, est arrivée discrètement avec une carte-cadeau à dépenser dans ma librairie favorite ; Malak, montrant ses belles jambes bien toniques, avec un plateau de fromages (du bleu, du gouda et du brie double crème) et de raisins rouges ; Julia, une brunette animée, avec trois plats du restaurant India Rosa : des papadums (galettes très minces de farine de haricots frits incrustées de graines de cumin), des champignons tandoori et une pizza végétalienne sur pain naan ; Blondine, rappelant selon Valentina un air à la Jennifer Lawrence, avec des sacs de croustilles, une sauce salsa et un guacamole.
Peu de temps après, Fudji est arrivée couronnée de son chapeau noir style trilby avec un plateau de prosciutto et un cadeau que j’ai déballé instantanément, de mignons petits bijoux en argent. Aussitôt arrivée, Fudji, toujours aussi généreuse de son temps et de son énergie, m’a donné un coup de main dans la cuisine pour s’atteler à la friture de ma pâte de chou-fleur dans l’huile chaude. Après lui avoir donné les instructions, je regardais craintivement les contours des petites boules frémir et grésiller dans le liquide doré.
Ma recette était une expérience de dernière minute.
Oui, en début de semaine, j’avais feuilleté les pages de mon nouveau livre de cuisine d’Ottam Ottolenghi, intitulé Ottolengui.
Mes yeux s’étaient arrêtés sur les croquettes de chou-fleur au cumin et yogourt au citron vert. La recette comportait des œufs (dans la pâte) et du yogourt laitier (dans le yogourt, évidemment). J’avais déjà deviné que j’allais remplacer les œufs par des graines de lin et le yogourt laitier par une sorte de crème de noix cajou.
Oui, je savais ce que j’allais faire en théorie, mais je savais aussi que, en pratique, les choses avaient de fortes chances de ne pas rouler sur des roulettes.
En effet, Dieu sait qu’il faut toujours utiliser des recettes testées et éprouvées pour les grandes occasions.
I had already experienced failures, and I would’ve been stupid to re-experience them. Um yes. This was not the time to experiment. However, my friend, there’s something you need to know: I like living dangerously. And sometimes, I'm stupid. So, being the stubborn woman that I am and not afraid to lose face (like a cat has nine lives, I think I have nine faces), I did it anyway.
Tandis que les croquettes se durcissaient en petites boules oblongues et remplissaient l’air avec leur chaleur et leur fumée enivrante, les autres filles crachaient leur fumée cendrée sur le balcon.
Caro a été la dernière à se joindre à nous. Elle est arrivée avec un air endormi, mais qui ne durera pas très longtemps (tu verras pourquoi plus loin), et avec des feuilletés en triangle au fromage féta et ricotta ainsi qu’aux épinards et au fromage féta. Ceux-là étaient surgelés, et je les ai glissés au four à côté des tiropitas.
J’ai emmené Caro joindre les autres qui étaient confortablement installées dans mon salon extérieur et qui papotaient entre elles comme si elles se connaissaient depuis toujours.
Pendant leurs échanges, j’ai concocté dare-dare le semblant de yogourt.
À la fin, les petits corps gras ne ressemblaient pas aux croquettes photographiées dans livre de cuisine. Tant pis, me suis-je dit. Je les ai empilés dans une assiette, les ai assaisonnés de sel et de poivre et les ai parsemés de persil. Puis, je les ai posés nonchalamment sur la table à côté des autres plats invités, parmi lesquels se trouvaient les plats tout juste sortis du four.
Nous étions maintenant prêtes à commencer le carnage.
J’ai appelé les filles, et nous nous sommes attablées en admirant le spectacle. Il y avait des oh et des ah. Je jubilais de joie. Ça faisait des lustres que ma table n’avait pas était si activement dressée. Nous sommes attaqués aux plats et avons gratté nos assiettes avec allégresse, discutant entre deux bouchées.
Je me suis particulièrement pourléché les babines avec la pizza végé sur pain Naan. Sa croûte était mince mais croustillante, souple mais robuste, légère mais charnue. Le goût des épices indiennes étaient rond et leurs saveurs remontaient avec tendresse jusque dans les narines. Un vrai régal.
Mais j’ai aussi été soulevée par mes fritures expérimentales.
Mes yeux se sont écarquillés de plaisir quand mes dents ont fendu et traversé leur fine croûte. Elles étaient d’une légèreté admirable, d’une mollesse impeccable, d’un parfum épicé agréable. La sauce accompagnante était le parfait complice pour rafraîchir le palais et calmer la danse des épices qui s'agitaient dans ma bouche.
C’était fabuleux. J’ai fait tomber par inadvertance une goutte de substance grasse sur mon nouveau haut, cadeau reçu de mon travail — oh la la, mais j’ai préféré ça à une grosse goutte de bave (quoique ça aurait été démonstratif de mon adoration pour ces délices). J’ai vite ignoré la chose et me suis concentrée sur mes bouchées suivantes.
Mis à part cette maladresse, l’opinion était unanime par rapport à mes beignets — c’est le nom que tout le monde leur a naturellement donné. Ils étaient un franc succès.
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Voilà. Des conversations chaudes résultant de bouchées sensuelles. Pour preuve, Caro était devenue bien volubile. Nous l’étions toutes, d’ailleurs. Tout ça avait dû trop nous exciter, en effet.
Peut-être, mais nous avions de bonnes raisons de l’être. Et moi, davantage. J’avais réussi une expérience dangereuse, j’étais sortie d’un trou noir pour en célébrer un autre bien plus rose, et les prochains jours, surtout, paraissaient plus prometteurs.
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Beignets au chou-fleur et au cumin avec yogourt de noix de cajou au citron vert
Ingrédients
Œufs aux graines de lin
- 4 cuillères à soupe de graines de lin moulues (Remarque)
- ⅔ tasse d’eau
Yogourt de noix de cajou au citron vert
- 1 tasse de noix de cajou trempées dans l’eau pendant 30 minutes
- ½ tasse d'eau plus additionnelle pour diluer, si nécessaire
- Zeste d’un citron vert
- 2 cuillères à soupe de jus de citron vert
- 1 cuillère à café de poudre d'oignon
- ½ cuillère à café de sel de mer
- Poivre du moulin
- ¼ tasse de coriandre finement hachée
Beignets de chou-fleur
- 1 chou-fleur (environ 320 g)
- 1 tasse de farine tout-usage plus ¼ tasse pour une service dans l’immédiat ou pour épaissir
- ¼ tasse de persil plat (italien) ciselé, plus quelques feuilles pour garnir
- 1 gousse d’ail écrasée
- 2 cuillères à café de cumin moulu
- 1 cuillère à café de cannelle moulue
- ½ cuillère à café de curcuma moulu
- 1 ½ cuillère à café de sel
- 1 cuillère à café de poivre noir du moulin
- 2 tasses d’huile de tournesol pour la friture
Préparation
- Préparer l’œuf aux graines de lin. Dans un petit bol, mettre les graines de lin moulu et ajouter l’eau. Laisser reposer jusqu’à ce que le mélange s’épaississe.
- Entre-temps, amener une grande casserole d’eau salée à l’eau bouillante. Enlever les feuilles du chou-fleur, s’il y a lieu, et le couper en petits bouquets. Les plonger dans l’eau et les faire cuire pendant 15 minutes ou jusqu’à ce qu’ils soient tendres. Les égoutter dans une passoire.
- Préparer le yogourt au citron vert. Dans un mixeur à haute vitesse ou un petit mixeur, placez l'eau, les noix de cajou, le zeste, le jus de citron, l'ail, la poudre d'oignon, le sel et le poivre noir et mélanger jusqu'à l’obtention d’une consistance lisse. Goûter et vérifier si la crème est bien acidulée avec un goût prononcé de citron vert. Ajouter plus de citron vert au besoin. Incorporer la coriandre et mélanger brièvement.
- Préparer les beignets. Dans un robot culinaire la farine, mettre le chou-fleur, le persil, l’ail, les échalotes, les épices, le sel et le poivre et mélanger jusqu’à l’obtention d’une pâte lisse et homogène. Incorporer les œufs aux graines de lin et bien mélanger. Laisser refroidir dans le réfrigérateur au moins 1 heure avant de servir le temps que la pâte prenne. Pour un service immédiat, ajouter le reste de la farine.
- Verser l’huile dans une grande casserole de manière à en recouvrir les parois jusqu’à environ 1,5 cm de hauteur et la placer sur feu vif. Il est important que les boules de pâtes reposent sur une surface. (Pour économiser l’huile de tournesol, il est possible de le faire dans une petite casserole mais la friture sera plus longue). Une fois l’huile très chaude, déposer des mesures de 3 cuillères à soupe (ou remplir au trois-quarts une mesure d’un quart de tasse) de pâte au chou-fleur et les déposer dans l’huile chaude. Séparer les beignets avec une spatule. Ne pas surcharger la casserole. Faire cuire les beignets pendant 3 à 4 minutes de chaque côté — s’assurer de bien ventiler son environnement.
- Laisser bien égoutter les beignets sur du papier essuie-tout (sopalin). Placer dans une assiette. et garnir de feuilles de persil. Servir avec le yogourt de noix de cajou au citron vert à part.
- Placés dans un contenant hermétique au réfrigérateur, le yogourt de noix de cajou au citron vert se conservera pendant cinq jours et les beignets pendant une semaine.
Notes
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