Comme toute chose douteuse ou qui ne m’attire pas de prime abord, j’ai été prise de court lorsque je me suis mise à vraiment aimer l’avocat.
Non, non, je m’excuse, je suis en train de te berner, comme je l’ai été, moi-même, d’ailleurs. En fait, l’avocat en question était dissimulé, comme un loup déguisé en agneau, dans une mousse au chocolat cru. J’avoue, chère convive, c’est une tricherie organisée pour le compte d’une non-gastronome, ce n’est pas une façon d’apprécier un aliment s’il n’est pas dans son état brut, naturel, mais toujours est-il que c’était un bon prélude.
J’étais au début de la trentaine, devenue néophyte de l’alimentation crue, lorsque j’ai découvert la recette d’une certaine Jennifer Cornbleet sur YouTube. Mon palais était encore un inhabitué à l’égard de cette poire non sucrée et il va sans dire que je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’émerveille sous le couvert d’un dessert jouissif. Tu peux bien imaginer ma surprise quand j’ai porté à mes lèvres une caresse d’avocat crémeux mêlé à du chocolat, à des dattes et à du sirop d’érable, une bouchée douce et veloutée plus trompeuse que n’importe quelle cachotterie.
Certes, je n’avais pas été exposée à la vraie nature de l’avocat, mais ce fruit m’intriguait sérieusement. Il m’intriguait assez pour que j’examine, en enlevant les froufrous, ce qui se passait réellement sous la couverture. Au fil du temps, mes papilles gustatives se sont assainies, ma sagesse a percé et ça n’a pas pris de temps avant que j’apprécie véritablement le goût de l’avocat.
Désormais, je me surprenais à en tartiner sur des toasts, à en glisser dans des salades vertes, voire de fruits, et jusqu'à même, imagine-toi, en manger à l’état brut à même la cuillère. Tu parles d’une évolution.
Mais mon évolution a parfois des limites.
Le week-end dernier, c’était la 54e édition du Super Bowl, le summum du football américain, et des images d’avocat ont envahi mon esprit. Plus précisément, des images de guacamole. Cette année, on avait droit à quelque chose d’unique, on a été témoin du premier Québécois, Laurent Duvernay Tardif, à remporter la victoire.
Et c’est là que mon évolution a des limites : je ne regarde pas le football du tout–et encore moins le Super Bowl. Bon, parfois le spectacle de la mi-temps pique ma curiosité, j’anticipe tout événement nourrisseur de potins, mais sinon, tu ne me verras pas devant mon téléviseur pour ce genre de choses.
Par contre, je suis certaine que mes visions présageaient la marée de partisans cloués sur leur canapé, quelque part dans leur cave pour hommes, à déguster des ailes Buffalo – peut-être au chou-fleur pour être tendance–, à tremper des nachos ou du pain dans du guacamole, autrement dit, dans de la sauce moulue de testicule ?
Tout un chaos sémantique existe en ce qui concerne l’origine du mot guacamole et sa signification.
Sauce moulue de testicule, c’est ce qui circule sur Internet, comme une vilaine rumeur indélébile. Il y a des croyances selon lesquelles le mot « avocat » provient de l'espagnol « aguacate », lui-même dérivé du mot « ahuacatl » de langue nahuatl qui signifie « testicule », par analogie à la forme de cet organe. Hé, si wiki le dit...
Mais depuis tout le début, ce mot a toujours voulu dire rien d’autre qu’« avocat ».
Ça a l’air que les nahutlophones, si je puis dire, faisaient un euphémisme en appelant leurs parties génitales « avocat » de même que des personnes disent en langage argotique « oeufs sur le plat, pastèque, pamplemousse, melons, poires, cocos, mandarines, noix, fraises, noisettes » pour désigner « seins »; « saucisse, nouille, carotte, concombre, baguette, andouillette, boudin, aubergine, poireau, nem, banane » pour désigner « pénis ».
Quoique ces mots soient des analogies délicieusement mignonnes, cela ne fait pas d’eux des acceptions primaires. D’ailleurs, dans toutes les cultures et depuis la nuit des temps, nos joyaux ont toujours évoqué la gastronomie. À titre d’illustration, les anglophones disent « weiner » (saucisse) pour « pénis » ; les hispanophones disent « huevos » (oeufs) pour « testicules ».
Sur cette note, je citerai un spécialiste de la culture nahuatl qui dit :
[...] nous ne considérerions généralement pas comme « en partie correct » de dire que « schnitzel wiener » signifie « schnitzel de pénis » ou que « nut case » (N.D.T. fou, en anglais) signifie « boîte à testicules ». Les hispanophones ne jugeraient pas non plus sensé de dire que « torta de huevo » signifie « sandwich aux testicules ».
Donc, le mot nahuatl « ahuacatl » (prononcé / a: wakatl /) ne signifie pas « testicule », mais en raison de la forme évocatrice du fruit, il peut être utilisé métaphoriquement dans ce sens étendu.
J’adore. J’adore aussi la traduction de Google Traduction de « nut case » (en anglais) pour « écrou ». Comme quoi, il faut vraiment se fier à des écrits faisant figure d’autorité.
Tout ça est fascinant, et je dois sans doute consacrer tout un article historique sur l’avocat et le guacamole, mais tout comme monsieur et madame tout le monde qui s’arrêtent plus à la dimension gastronomique qu’à la dimension historique, je me suis contentée de déguster sans réflexion une sauce à base d’avocat proprement dite.
Et elle était assez particulière.

Ça a l’air que je n’ai jamais pu me départir de ma première connexion trompeuse avec l’avocat, et donc, je dois te dévoiler une autre tromperie. Pour ce blog, j’ai pour mission de partager avec toi des plats comprenant des ingrédients accessibles, mais prise par la folie, qui sait, j’ai ajouté un ingrédient peu usité et hors-norme (dans la culture américaine) : des tomatilles. En boîte, en plus.
Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais voilà, j’ai dépassé les bornes. J’espère que tu me pardonneras. C’est quelque chose d’assez corrigible, tu n’auras simplement qu’à les remplacer par des tomates rouges.
Bref, c’était toute une expérience.
Si tu essaies cette recette, je veux le savoir ! J'apprécie toujours tes commentaires. Laisse une note dans la fiche de recette juste en dessous et/ou un avis dans la section des commentaires plus bas sur la page. Tu peux également me suivre sur Pinterest, Facebook, ou alors Instagram. Inscris-toi à ma liste de diffusion aussi !
Laisser un commentaire