Il y a quelques nuits de ça, je me suis réveillée en sursaut au milieu de la nuit. Une pensée horrible m’a secouée. Je ne pourrai pas faire mon pain au levain !
Bon, je sais que je suis obsédée avec ça. C’est mon troisième billet sur le sujet. Et ça ne sera peut-être pas le dernier. *Voix chantante*
Tout récemment, notre gouvernement a annoncé que TOUS les magasins devaient fermer à partir de mardi 24 mars. Quand je l’ai appris, il ne me restait plus que 24 h pour aller faire mes achats nécessaires. Mon banneton !
Avant-hier, j’ai parlé à une amie qui me disait combien elle était insouciante au regard de cette pandémie. Au début, elle invitait des gens à venir lui rendre visite. Elle invitait des enfants à venir jouer avec les siens aussi. Toute nonchalante. Plus personne ne l’appelle maintenant.
L’air s’est épaissi. On respire la méfiance. La peur.
Oh ! Montréal ! Toi qui étais une ville si accueillante. Maintenant, tu es devenue austère, grise. J’étais tellement bien dans les bois. La neige cotonneuse qui est tombée sur la ville il y a quelques jours est en train de fondre. Et il n’y a personne pour marcher dans la gadoue.
Pour revenir à l’insouciance, je ne m’exclus pas, moi non plus. Mais depuis cette fameuse nuit, je ne pense qu’aux bactéries.
Mon levain m’inquiète.
La préparation du levain m’inquiète.
L’explication que je t’ai donnée sur la préparation du levain m’inquiète.
Et là, cette autre pensée me hante : C’est pas vrai ! T’ai-je dit de mélanger la pâte avec ton doigt ?! Ça, c’était avant l’arrivée du maudit virus. On veut nos bactéries, mais pas ce bidule-là dans le pain ! Ouais, je me vois bien donner du pain au levain et au COVID-19. En voilà de l’insouciance.
Peu de temps après, la panique s’est estompée. Ce laid virus – parce qu’il l’est vraiment laid ; as-tu vu sa tête ? – sera zappé à la cuisson. Yes, burn baby, burn.
Durant la journée, j’ai fait une quête éperdue.
J’ai appelé deux magasins d’accessoires près de chez moi en guise de me procurer ce banneton si convoité. Avec l’espoir de courir, de me jeter par terre et de glisser en dessous de la porte juste avant qu’elle ne se ferme verticalement. Comme font les héros des films d’action.
Donc, le premier interlocuteur ne savait pas ce que c’était. Quand je l’ai dit en anglais, « bread bowl », il m’a répondu qu’il n’en avait pas. Les citadins modernes n’utilisent plus ce genre de chose. Ah ! bon !
Le deuxième m’a aussi donné une réponse négative. Il m’a demandé quel en était l’avantage, ce à quoi j’ai répondu je ne sais pas. D’après lui, n’importe quel saladier ferait l’affaire. Bon, ben, on laisse tomber, alors.
Sais-tu ce que c’est au fait ? Si tu l’ignores, un banneton est un panier d'osier sans anses pour faire lever le pain rond. J’ai vu ce truc pour la première fois lors de la démo vidéo pour expliquer comment faire du pain au levain.
La nuit dernière, j’ai eu un rêve étrange.
J’ai rêvé que je faisais une soupe hyper crémeuse à la tomate dans un fait-tout couleur crème. Après, je l’ai transvidée dans un bol. Tout avait l’air de couler merveilleusement bien sans éclaboussures quand soudain, j’ai découvert des corps solides dans le fond.
Il restait des ingrédients entiers : des tomates bien rouges et rondes et quelque chose d’autre dont je ne me souviens plus à présent. Mais je crois que c’était de couleur beige. Rond aussi. Est-ce que ça voulait dire que… ?
Dès mon réveil, j’ai saisi mon portable. Comprends-moi, chère convive. Ce n’est pas dans mes habitudes de le consulter. Pas à la première heure avec mes yeux mi-fermés et crottés.
Je ne consulte pas mes courriels. Je ne consulte pas mes réseaux sociaux. Je ne consulte rien. Juste l’heure. Et peut-être la météo.
M. Agréable le fait systématiquement, complètement endormi, mais pas moi. À tel point qu’il peut m’arriver de rater mes textos, genre, pour me rappeler d’aller récupérer en voiture un collègue de travail avec qui je me suis entendue la veille.
L’autre jour, c’est ce qui m’est arrivé et le pauvre a dû se taper 1 h 30 de transport en commun dans le froid hivernal de Montréal pour se rendre au boulot à 8 h du mat’. Ce n’est que quand je l’ai vu assis à son bureau et qu’il m’a dit qu’il s’inquiétait pour moi que je me suis aperçue de ma bévue. Désolée, Olivier. Heureusement, il m’a pardonné.
Donc, oui, j’ai hâtivement saisi mon portable.
Et je ne me souviens plus pourquoi, mais j’ai pensé à un endroit unique.
C’était une petite quincaillerie sympa spécialisée en cuisine dans la Petite Italie à deux pas de chez moi, la quincaillerie Dante.
L’explication de mon geste me revient maintenant. Je pensais aux photos que je voulais prendre durant la journée. Après quoi, je me suis demandé si Dante n’en possédait pas de jolis accessoires que je pourrais bien me faire livrer.
En ces temps de confinement, mieux vaut en profiter pour faire briller sa cuisine. Et par extension, transformer son chez-soi en un espace agréable, non ?
Leur site semblait bien conçu. Dans le champ produit, j’ai saisi le mot « banneton ». Par hasard. Et boom. Je n’en croyais pas mes yeux. Le voilà qui me souriait à travers le petit écran.
Alors, était-ce ça, la signification de mon rêve ? Me procurer un banneton à tout prix pour réussir la fabrication de mon pain ? Je le ferai assurément.
La Petite Italie me manque aussi. Oh ! Douce rue Dante. Tant de perles à découvrir :
- les épices Anatol pour sa grande variété d’épices (plus de 600 épices), de noix, de grains, de thés en vrac ;
- la Pizzaria Napoletana, établie depuis 70 ans, pour son éventail de pizzas à croûte fine, son décor sobre et sa chouette terrasse (à l’intérieur, c’est comme si on était dans une immense salle à manger familiale) ;
- en face de la rue, sa sœur, Miss Napoletana pour ses produits importés d’Italie et son « carreto » (chariot de glaces et de sorbets) de gelato l’été ;
- Pasticceria Alati-Caserta pour ses desserts italiens jouissifs (approuvés par P’tit Montre) dans un décor rétro.
Petite Italie, je viendrai déambuler tes rues plus souvent. Entre-temps, la balade se fera virtuellement pour que mon levain et moi puissions nous reposer en paix.
[P.-S. Je devrais aussi me procurer un fait-tout, soit dit en passant. Je n’en ai pas.
P.-P.-S. Je tiens à envoyer toutes mes prières pour les Italiens en ce moment qui sont en train de perdre beaucoup des siens.]
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