Ô Bas-Saint-Laurent, nous avons l’air de jouer à un jeu de « Je te fuis, tu me suis », mais je dois t’avouer, tu as tout de même fini par me charmer. On se retrouve sur la grève à Trois-Pistoles, et tu m’offres de l’air pur, des couchers de soleil magnifiques et de la tranquillité d’esprit.

You waltz your waves on the rocks every four hours, and I watch them tenderly, knowing full well that swimming in your arctic waters would turn me into a stone statue. You always wait for me with infinite patience, even when I'm stuck in an absurdly long line of vehicles of several kilometers, extending from the Fromagerie des Basques on Notre-Dame-des-Neiges, at the Highway 20 exit.
Nous sommes arrivés au chalet de mes beaux-parents un samedi soir après un départ désorganisé (de ma part) et des flâneries vagabondes à Montréal. On peut dire qu’après sept ans de visites régulières — nous nous y rendons au moins trois fois par année —, le chalet à Trois-Pistoles est devenu mon endroit d’apaisement et de ressourcement, avec son sol convexe dans le salon, ses pièces fusionnées en une (par exemple, un lavabo dans la chambre) et sa vue droite sur le fleuve Saint-Laurent.
Peu de temps après notre arrivée, mes beaux-parents, mon chéri et moi nous sommes attablés avec un repas convivial et un verre de rosé. (Mon petit est aux soins de son père à Paris.) Après une soirée calme, nous sommes montés dans notre chambre, nous sommes préparés pour dormir et nous sommes jetés dans notre semblant de lit très grand format, deux petits lits collés à la manière de jumeaux siamois.
Mais on y dort très bien.
Comme je dors droit comme un i, je ne m’affaisse jamais dans la fente. Et se réveiller dans cette chambre, c’est comme sentir la douce caresse de la main d’une maman tendre et aimante sur la joue. Les vents légers et frais se faufilent à travers les fenêtres, effleurent notre visage et laissent sur leur passage leurs effluves d’air salin.
Pendant les trois jours que nous sommes restés au chalet, nous avons eu des moments d’ensoleillement, mais le ciel s’est ennuagé assez vite et la pluie s’est ensuite abattue sur nous. Cela m’a poussée à me gaver de littérature gourmande sur ma nouvelle liseuse.
Ensuite, nous nous sommes rendus à l’Auberge Mange-Grenouille au village de Bic. La petite porte d’entrée blanche, me rappelant celle dans Alice aux pays des merveilles, a donné le ton. Sous les lumières chaudes et tamisées, nous avons été accueillis dans une ambiance chaleureuse et un décor hétéroclite, burlesque et théâtral. Je me sentais comme faisant partie intégrante d’une toile de nature morte du XVIIe ou du XVIIIe siècle.
De part et d’autre étaient les salles d’attente avec des canapés somptueux. Chacune d’elle contenait un piano droit sur lequel étaient disposés tous genres d’objets décoratifs antiques : des bustes, des vieux livres et des petits pots de plantes en terre cuite. Dans le coin gauche, des statues kaki d’un homme habillé en haut gradé militaire et d’une femme en robe de soirée se tenaient devant le mur peint d’un paysage verdâtre. L’espace était rempli de pots de fleurs et de branches fleuries gigantesques. Venaient ensuite deux salles à manger, de grandes pièces avec des tables en bois massifs et des chaises rembourrées.
Celle du fond, entourée de grandes fenêtres, ouvrait directement sur le jardin, pittoresque, et donnait l’impression d’être dans une cabane haut perchée dans un arbre en communion avec la nature. Dans les coins, des troncs de bouleau blancs et sveltes traversaient le plancher et des branches fleuries étaient suspendues au plafond. Et pour accentuer l’expression de la nature, deux pinsons de java piaillaient dans une petite cage mignonne sous des chérubins couleur or, qui, inclinés vers le bas, flottaient dans les airs avec des trompettes dans les mains.
Tout était si enchanteur.
Et d’autres choses encore nous ont enchantés.
Le lendemain, après avoir dépensé de l’énergie et des calories pendant deux heures dans les sentiers montant à pic au Parc régional du Bic, nous avons découvert deux grands conteneurs rouges vifs qui servaient de la bouffe de rue.
C’était la Cantine côtière, la nouvelle entreprise de la cheffe primée Colombe St-Pierre du restaurant Chez Saint-Pierre pour s’adapter aux contraintes de la crise du Covid-19. St-Pierre été nommée chef de l’année au dernier Gala des Lauriers de la gastronomie québécoise (2018).
Mr. Agréable ordered a lobster roll with shrimp, a sort of club sandwich typically garnished with coleslaw, mayonnaise sauce, and seafood; his sandwich had a fennel salad instead. I opted for homemade fries and vegetable antipasti.
À l’auberge, je suis allée récupérer des accessoires de cuisine achetés plus tôt dans une boutique. Puis nous nous sommes installés dans le jardin de l’auberge pour déguster nos repas.
Quand M. Agréable a déballé son lunch, j’étais jalouse de voir son sandwich si joliment présenté : son pain hot-dog à l’encre noire était fourré d’une sauce vert pâle ruisselante, de crevettes, de rubans de fenouil tortillés comme des banderoles, le tout surmonté de pétales de fleurs roses.
Mais mon choix ne m’a pas déçue.
Les tomates, presque entières, étaient savoureuses et parfaitement caramélisées. À chaque incision des dents sur leur peau fragile, leurs jus explosaient jusqu’au fond de ma gorge. Les courgettes, quant à elles, fondaient dans la bouche. Les frites avaient un goût rustique et la sauce ketchup qui les accompagnait, ambrée, était douce sur la langue. Les saveurs étaient parfaitement équilibrées. Elle n’était pas trop sucrée, pas trop aigre. Malgré mon choix humble de nourriture, plusieurs gémissements se sont ensuivis.
Après ce séjour de deux jours, nous nous sommes déplacés en direction du village de Kamouraska. Mais avant, nous avons fait la chasse aux fraises fraîches et aux raretés dans des boutiques d’antiquité.
Et nous avons abouti à nos fins.
Nous détenions un panier en carton de 1,5 L de fraises passionnément rouges, des verres à eau rétro brun transparent et quelques objets divers pour mes séances de photo.
À l’auberge Le 112, à Saint-André-de-Kamouraska, l’accueil n’était pas chaleureux, comparativement à l’auberge précédente. L’hôtesse avait l’air horrifiée par notre arrivée si précoce et notre panier de fraises sanguinaires, risquant de souiller les draps d’un blanc immaculé dans la chambre. Par son indication, nous avons déposé nos provisions dans un frigo planqué dans une pièce à côté de la salle à manger. Puis, M. Agréable a effrontément largué ses bagages dans la salle d’accueil avant de sortir.
Par faute de trouver un restaurant attirant, nous nous sommes dirigés au cœur de Kamouraska, qui bourdonnait de vie. Comme des paparazzi sans flair et égarés, nous avons essayé de repérer la maison d’un acteur-barre oblique-réalisateur québécois. C’est que nous avions entendu qu’il possédait une demeure dans la région. Un vendeur d'une boutique d’artisanat québécois s’est même vanté qu’elle se trouvait au coude de la route principale. Nous avons regardé une maison perchée en haut d’une colline et avons déterminé que c'était celle-là. (Nous avons appris plus tard que c’était faux.)
Par la suite, nous nous sommes installés au Café du Clocher.
Assis au coin d’une terrasse pour admirer le littoral, nous avons pris un lunch tardif en mangeant chacun une soupe aux lentilles, un sandwich végé-pâté pour moi et un lobster roll, au crabe cette fois-ci,pour monsieur.
Il faisait bon et ensoleillé, et après un moment, nous avons trotté jusqu’à la boulangerie Niemand, dont la file s’étirait sur toute l’allée de la maison victorienne. Nous avons trouvé Denise Pelletier, la boulangère, en train de fermer les barrières et d’avertir les clients errants de la fermeture imminente et de l’indisponibilité assurée de son fameux pain multigrain d’ici les prochains jours.
Les humains fonctionnent par imitation, et donc, nous nous sommes rajoutés à la file. Nous avons tenté de soudoyer la boulangère pour qu’elle nous donne son levain-chef afin de le reproduire à la maison. Malgré son intérêt pour mes boucles d’oreilles ethniques en forme de grosse goutte et sa considération pour un échange fructueux, ce n’était pas suffisant pour l’envoûter.
Mais quelle chance on a eue !
Elle nous a donné la toute dernière miche de pain avant qu’elle en fasse d’autres deux jours plus tard.
Pour boucler notre promenade, nous nous sommes introduits dans une dernière boutique d’antiquités où j’ai acheté un vieux tamis à farine avec manivelle dans une sorte de cylindre métallique. Je traînais à l’intérieur de la boutique en espérant dénicher quelque chose d’unique, tandis que M. Agréable était sorti plus vite que moi.
Mis à part le peu d’intérêt pour les produits proposés, il était outré par la vue d’une lampe rococo composée d’une statue d’un homme noir tenant un abat-jour comme un parapluie. Quand j’ai demandé au vendeur en toute légèreté, espiègle, ce qu’était cette lampe munie d’un «nègre comme pied » , il a balbutié en tâtonnant maladroitement la lampe avoisinante, un genre de statue de la liberté, et en me donnant ses spécificités le dos tourné.
Je l’ai dirigé sur ladite lampe et me suis enquise sur sa popularité. « Ça ? Ah oui, c’est très populaire, bafouillait-il. Les gens se l’arrachent dans les marchés en ligne et paient le double du prix. » C’était captivant.
C’est dommage que j’ai raté mon coup de la prendre en photo pour te la montrer. Plus tard, j’ai essayé de la retrouver sur Internet, mais je n’ai trouvé aucune trace de ce truc.
Dans la voiture en direction de l’auberge, nous avons pris une bouchée de notre trésor gourmand.
Mon pouce a percé une surface croustillante et solide et s’est enfoncé dans une mie spongieuse, moelleuse et si humide que j’en étais frappée de surprise. Cela a déclenché mes pulsions libidineuses, tellement la texture était mouillée et enveloppante. J’ai porté un morceau sauvagement déchiré à ma bouche, et la mie avait un goût de noisette parfaitement grillé, légèrement acidulé, avec des arômes complexes et subtils. La fraîcheur de ce pain était au rendez-vous.
Et avec raison !
Pétris et façonnés à la main, les pains de la Boulangerie Niemand sont tous bien cuits dans un four à sole. Et les grains de blé ou de seigle de la région sont moulus sur pierre dans leur moulin.
Notre journée s’est terminée avec notre retour à l’auberge. L’hôtesse nous a accompagnés à notre chambre, avec une attitude dissuasive et distante. Était-ce la peur de contracter la COVID ?
Bref, le charme raffiné à la croisée des styles rustique et moderne de la chambre compensait son accueil discutable. Quelques pièces d’eau, une baignoire peinte en noire sur pattes avec de la robinetterie argentée étincelante et un lavabo blanc sur pied, se tenaient le long d’un mur à l’opposé de notre lit baldaquin épuré.
Après une délicieuse sieste dans notre lit douillet, nous avons traversé la cour avant de l’auberge sous un ciel désormais devenu ennuagé en direction de la cuisine centrale et avons pris un souper modeste mais commode de pains multigrains et de fraises. Puis, nous avons clos notre soirée avec des activités relaxantes. Je me suis glissée dans un bain moussant en écoutant de la musique Chill et Soul sur Spotify pendant que M. Agréable se régalait d’une lecture ludique.
Peu de temps après, nous avions éteint les lumières avec l’espoir d’une journée suivante encore plus charmante.
À suivre...
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